Thiaba Camara Sy : Réinventer la gouvernance et le financement inclusif en Afrique de l’Ouest

Parmi les figures les plus influentes de la finance africaine contemporaine, Thiaba Camara Sy occupe une position singulière. Son parcours illustre la convergence entre rigueur technique, gouvernance stratégique et engagement pour un capitalisme inclusif. Diplômée de l’ESCP Business School, avec plus de trois décennies d’expérience à des postes de direction, elle redéfinit les standards du leadership financier sur le continent.
De la conformité à la création de valeur
Pendant 27 ans, Thiaba Camara Sy a évolué au sein de Deloitte Sénégal, qu’elle a dirigé en tant que Managing Partner. Dans un environnement caractérisé par une faible formalisation des pratiques financières, elle a imposé une culture de rigueur et d’intégrité, accompagnant de grandes entreprises et institutions dans leurs processus de transformation, de mise en conformité et de gestion du risque. Son expertise en stratégie, comptabilité et finance lui confère une capacité unique à articuler vision long terme et exécution disciplinée.
Construire un écosystème d’investissement genré
En 2019, elle fonde WIC Capital, premier fonds d’investissement ouest-africain dédié au financement des entreprises dirigées par des femmes. Dans un contexte où moins de 3 % du capital-risque africain est alloué aux femmes fondatrices, cette initiative est avant tout une réponse structurelle. Le modèle développé par WIC Capital combine financement en fonds propres et accompagnement stratégique, dans une logique de « smart capital » adaptée aux réalités locales.
WIC Capital s’inscrit dans un dispositif plus large : le Women’s Investment Club (WIC), dont elle est cofondatrice. Ce réseau d’investisseuses sénégalaises, pionnier sur le continent, a contribué à institutionnaliser une dynamique jusque-là informelle : celle des femmes actives dans le capital-investissement et la gouvernance économique.
Une gouvernance d’impact au sein d’institutions stratégiques
Thiaba Camara Sy siège ou préside aujourd’hui plusieurs conseils d’administration de premier plan. Elle est Présidente du Conseil d’Administration de CGF Bourse, acteur central du marché financier de l’UEMOA, et de CGF Gestion, première société de gestion collective agréée au Sénégal. Elle préside également SUNU Investment Holding SA à Abidjan, et siège aux conseils d’administration de La Laiterie du Berger, Baobab Sénégal, Tostan, ou encore CECI au Canada.
Au-delà de ces fonctions, elle incarne une vision moderne de la gouvernance : celle d’un pilotage stratégique fondé sur la transparence, l’inclusivité et la résilience organisationnelle. Son passage au sein de la Mastercard Foundation, en tant que conseillère régionale, témoigne de sa capacité à intervenir aussi bien dans le secteur privé que dans les grands programmes de développement international.
Un leadership par l’exemple
Ce qui distingue Thiaba Camara Sy dans le paysage économique africain, c’est sa capacité à conjuguer autorité professionnelle et sens de la transmission. Elle agit comme une catalyseur de transformation, en injectant des standards internationaux dans les pratiques locales, sans jamais céder aux injonctions du mimétisme. Elle est également reconnue pour sa capacité à aligner intérêts économiques et impact social, faisant du financement des femmes une décision d’efficacité économique plutôt qu’un engagement militant.
Vers une finance africaine plus inclusive et stratégique
L’expérience de Thiaba Camara Sy offre des enseignements clés pour les praticiens de la gouvernance et du capital-investissement en Afrique :
- Le financement inclusif doit être structuré, stratégique et institutionnalisé. Il ne peut reposer uniquement sur des approches caritatives ou opportunistes.
- La gouvernance ne peut être cantonnée à la conformité. Elle doit être pensée comme un levier de compétitivité et de performance.
- Les femmes dirigeantes ne doivent plus être considérées comme des exceptions, mais comme des vecteurs de résilience et de croissance.
Le parcours de Thiaba Camara Sy démontre qu’il est possible, en Afrique de l’Ouest, de bâtir une finance exigeante, performante et profondément inclusive. Un modèle que de nombreuses institutions gagneraient à étudier et à reproduire.
Mérimé Wilson