Ibrahima Cheikh Diong, l’ingénieur du climat : d’ARC au FRLD, un Sénégalais aux commandes de la finance du risque

De Dakar à Washington, de l’ingénierie hydraulique à la haute diplomatie climatique, Ibrahima Cheikh Diong s’est imposé comme l’un des architectes africains de la gestion du risque climatique et des financements innovants face aux catastrophes. Depuis novembre 2024, il dirige le Fund for Responding to Loss and Damage (FRLD), un fonds logé à la Banque mondiale qui vise à soutenir les pays les plus vulnérables aux pertes et dommages liés aux effets du changement climatique. Une mission à la croisée de la solidarité internationale, de la gouvernance environnementale et de la finance d’impact.
Une trajectoire enracinée dans la technique et la vision stratégique
Ingénieur civil de formation, spécialisé en gestion des ressources en eau à l’Université Hohai de Chine, Ibrahima Cheikh Diong a poursuivi un Master en affaires internationales à la School of International and Public Affairs (SIPA) de Columbia University, à New York, où il s’est concentré sur la finance internationale et les politiques environnementales. Très tôt, il a compris que le développement durable exigeait une alliance entre rigueur scientifique, ingénierie des politiques publiques et créativité financière.
Ce profil hybride lui a permis de naviguer avec aisance entre le monde du conseil, des institutions financières internationales et des gouvernements. Il a d’abord travaillé à Booz Allen Hamilton aux États-Unis, où il a dirigé des projets de privatisation et de restructuration des services publics en Afrique subsaharienne, avant de rejoindre la Banque mondiale à Nairobi comme coordinateur régional pour l’Afrique. Il y a contribué à la mise en place du PPIAF, un mécanisme multi-bailleurs favorisant la participation du secteur privé dans les infrastructures africaines.
Par la suite, il a intégré la Société Financière Internationale (IFC) à Johannesburg, où il a lancé le programme SME Solutions Centers pour soutenir les PME africaines, en leur offrant du capital-risque et un accompagnement technique. Ces expériences ont affermi sa conviction qu’il fallait outiller le continent africain pour transformer ses vulnérabilités structurelles en opportunités économiques durables.
Servir le Sénégal : la diplomatie économique au service du développement
De retour au Sénégal en 2007, il devient ministre, conseiller spécial du Président de la République, chargé des affaires économiques, politiques et bilatérales. Il y pilote d’importantes opérations de mobilisation de ressources, notamment auprès d’institutions chinoises et arabes, afin de financer des projets stratégiques d’infrastructures.
En 2009, il est nommé ambassadeur itinérant et directeur général de la Coopération internationale, où il supervise la levée de plus de trois milliards d’euros pour les programmes d’infrastructures et 400 millions d’euros pour la construction du nouvel aéroport de Dakar. En parallèle, il préside le conseil d’administration de Sénégal Airlines, coordonnant la phase de lancement et les partenariats stratégiques avec des compagnies internationales.
En 2011, comme secrétaire permanent à l’Énergie, il conduit le plan d’urgence énergétique destiné à stabiliser la production électrique du pays. Ces années au service de l’État forgent chez lui une culture de la performance publique et une vision pragmatique de la gouvernance : exécuter vite, fédérer les parties prenantes, rendre compte et corriger en temps réel.
De la diplomatie économique à la finance du risque climatique
Après une décennie passée au service du développement national et continental, Ibrahima Cheikh Diong fonde en 2012 le groupe ACT Afrique, un cabinet de conseil panafricain spécialisé dans le financement, la structuration de projets et les fusions-acquisitions. Pendant huit ans, il accompagne des gouvernements, des institutions et des entreprises privées dans leurs levées de fonds et stratégies d’investissement, avant d’en devenir le président. Son sens de la stratégie et de la gouvernance d’entreprise en fait un acteur respecté de la finance africaine.
En 2020, il franchit un nouveau cap en devenant Secrétaire général adjoint des Nations unies et Directeur général du Groupe African Risk Capacity (ARC), une institution spécialisée de l’Union africaine dédiée à l’assurance contre les risques climatiques. Sous sa direction, l’ARC connaît une transformation majeure : élargissement des produits d’assurance paramétrique (sécheresse, cyclones, inondations, épidémies), renforcement des partenariats publics et privés, mobilisation de plus de 70 millions de dollars pour soutenir son programme, et repositionnement stratégique de l’organisation.
Au total, durant son mandat, l’ARC aura permis d’offrir plus de 1,2 milliard de dollars de couverture assurantielle, de verser plus de 140 millions de dollars d’indemnisations à divers États africains, de protéger 140 millions de personnes vulnérables et de former plus de 2 000 experts africains aux outils de modélisation climatique et de gestion du risque.
À la tête du FRLD : transformer les promesses en action
Depuis 2024, Ibrahima Cheikh Diong occupe la fonction de Directeur exécutif du Fund for Responding to Loss and Damage (FRLD). Ce fonds, créé à la suite des négociations climatiques de la COP28, représente un tournant pour la finance climatique mondiale. Sa mission est d’aider les pays les plus touchés par les effets irréversibles du changement climatique à accéder rapidement à des financements, en simplifiant les procédures et en favorisant la transparence.
Sous sa direction, le FRLD s’attache à définir des modalités opérationnelles claires, à renforcer la coordination entre États, ONG et secteur privé, à mobiliser des ressources durables et à instaurer des mécanismes de redevabilité crédibles. L’enjeu est immense : réduire le délai entre la catastrophe et l’aide, améliorer la qualité des financements et bâtir la confiance entre bailleurs et bénéficiaires.
Une approche fondée sur l’exécution et la redevabilité
Ibrahima Cheikh Diong est reconnu pour sa rigueur, sa capacité à fédérer et sa culture du résultat. Qu’il dirige une institution multilatérale, un fonds international ou une entreprise privée, il applique la même logique : planifier, exécuter, mesurer et communiquer. Il plaide pour une approche intégrée où la finance climatique ne se limite pas à la compensation, mais devient un levier de résilience structurelle.
Un leadership africain à portée mondiale
Dans un monde où les chocs climatiques menacent les progrès économiques et sociaux, le parcours d’Ibrahima Cheikh Diong incarne une conviction forte : l’Afrique ne doit pas subir, elle doit diriger. À travers le FRLD, il ambitionne d’ériger une nouvelle architecture financière, plus rapide, plus inclusive et plus équitable. Celle-ci permettra d’apporter une aide directe aux populations sinistrées, tout en renforçant les capacités institutionnelles des pays africains.
Un parcours d’excellence
Au fil des années, il a bâti un parcours jalonné de responsabilités internationales : directeur exécutif du FRLD, Secrétaire général adjoint de l’ONU et Directeur général du Groupe ARC, président du groupe ACT Afrique, Senior Africa Banker à BNP Paribas, haut fonctionnaire du gouvernement sénégalais, manager à l’IFC et coordinateur régional à la Banque mondiale. Cette trajectoire, enrichie d’une solide formation à Columbia University, au Beijing Language Institute, à l’Institut des Partenariats Public-Privé de Washington, et à l’IFC’s Credit Department, témoigne d’une vision cohérente : bâtir des ponts entre la technique, la finance et la gouvernance.
La fierté d’un parcours africain
Aujourd’hui installé à Washington, Ibrahima Cheikh Diong reste profondément attaché à son pays et à son continent. Il incarne une génération de leaders africains capables de porter des initiatives globales tout en gardant l’Afrique au cœur de leurs priorités. Son parcours, fait de rigueur, de diplomatie et d’audace, illustre la montée en puissance d’un leadership africain confiant, compétent et résolument tourné vers l’avenir.
Sous sa direction, le FRLD symbolise non seulement un nouvel espoir pour les nations vulnérables, mais aussi une reconnaissance internationale du savoir-faire africain en matière de gouvernance climatique. Avec Ibrahima Cheikh Diong, le continent africain démontre une fois de plus qu’il peut non seulement être au centre des débats mondiaux, mais aussi en tenir le volant.
Mérimé Wilson