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Thierno Seydou Nourou Sy, une vie au service de la souveraineté financière du Sénégal

Banquier chevronné, bâtisseur de la BNDE et désormais voix écoutée du débat économique national, Thierno Seydou Nourou Sy incarne près de quatre décennies d’engagement au service de la transformation du système financier sénégalais et ouest-africain. À la fois technicien rigoureux, stratège discret et manager profondément humain, il continue, même à la retraite, d’influencer la réflexion sur la souveraineté économique du Sénégal.

Des salles de marché parisiennes aux banques sénégalaises

Formé entre Dakar et Paris, Thierno Seydou Nourou Sy se construit très tôt un profil de financier complet : études à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, à l’université de Créteil, à l’IUT René Descartes (Paris V), puis Diplôme d’Études Supérieures Spécialisées (DESS) de banque à l’Institut des Techniques Bancaires à Paris.

Sa carrière démarre en 1986 à la Bourse de Paris, avant un retour au pays qui donnera le ton de tout son parcours : mettre son expertise au service du développement sénégalais. Il rejoint la Banque de l’Habitat du Sénégal (BHS), puis la Compagnie Bancaire de l’Afrique de l’Ouest (ex-BIAO, actuelle CBAO), où il gravit rapidement les échelons, de directeur adjoint à directeur de la comptabilité, puis responsable du contrôle de gestion, contribuant au redressement de l’institution aux côtés du banquier Abdoul Mbaye.

À la fin des années 1990 et au début des années 2000, il devient l’un des artisans des grandes recompositions bancaires au Sénégal : passage par la Banque sénégalo-tunisienne (BST), retour à la CBAO sous pavillon Attijariwafa Bank, où il occupe des fonctions de haut niveau: directeur du pôle Finances et Ressources humaines, puis secrétaire général avec rang de directeur général adjoint.

Un manager panafricain au cœur des grandes transformations bancaires

L’expérience de Thierno Seydou Nourou Sy dépasse rapidement les frontières du Sénégal. Il est nommé directeur général adjoint de la Banque Internationale pour le Mali (BIM) au sein du groupe Attijariwafa Bank, puis rejoint Coris Bank International au Burkina Faso, où il occupe successivement les postes de directeur général adjoint puis directeur général, supervisant la mise en place de succursales dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest.

Il prend ensuite les commandes de la Banque Internationale pour l’Afrique (BIA) au Niger comme administrateur général, chargé d’un plan de relance incluant restructuration, réformes et repositionnement commercial. Au fil des années, il s’impose comme un « banquier de situations spéciales », capable d’accompagner des banques en transformation, de la gouvernance aux opérations.

Ce parcours lui vaut une reconnaissance régionale qui culminera en 2021 avec son élection à la présidence de l’Association des Banques de l’Afrique de l’Ouest (ABAO), après en avoir été 2ᵉ puis 1ᵉʳ vice-président. À ce poste, il plaide pour un secteur bancaire plus intégré, mieux arrimé aux priorités de la CEDEAO et plus offensif sur le financement des économies.

Architecte de la BNDE : transformer un fonds en banque de développement

Le tournant majeur de sa carrière survient en 2012. Au lendemain de la deuxième alternance politique au Sénégal, le président Macky Sall et son Premier ministre Abdoul Mbaye décident de transformer le Fonds de Promotion Économique (FPE) en véritable banque de développement. Pour piloter ce chantier sensible, le choix se porte sur Thierno Seydou Nourou Sy, alors en poste au Burkina Faso.

Il prend la tête du projet en mai 2012, conduit la demande d’agrément bancaire et conçoit un modèle original de partenariat public-privé, avec une banque orientée vers le financement des PME/PMI et de l’investissement productif. La Banque Nationale pour le Développement Économique (BNDE) ouvre officiellement ses portes le 27 janvier 2014.

En une décennie, les résultats parlent d’eux-mêmes : la BNDE passe d’une dotation de départ de 30 milliards de FCFA à un total bilan de plus de 400 milliards de FCFA fin 2022, avec une progression annuelle du produit net bancaire de l’ordre de 30 %. La banque ne connaît pas les traditionnelles années de pertes de démarrage : ses comptes sont demeurés équilibrés, ce que ses dirigeants attribuent à la rigueur de la gouvernance, à la maîtrise des risques et à une structuration prudente mais ambitieuse des portefeuilles.

Sous sa conduite, le réseau passe d’une seule agence à plusieurs dizaines de points de vente (plus de 43 agences et points de services) et plus de 240 à 250 collaborateurs, maillant progressivement l’ensemble du territoire national. La BCEAO la classe dans le club restreint des banques d’importance systémique du pays ( aux côtés de groupes internationaux ) tant son poids dans le financement de l’économie devient déterminant.

Une banque tournée vers les PME, l’inclusion et les secteurs stratégiques

Fidèle à sa mission de banque de développement, la BNDE sous l’ère Sy concentre la majeure partie de ses concours sur les entreprises et les Systèmes Financiers Décentralisés : plus de 90 % des financements vont au tissu productif. Cette priorité se traduit par des appuis structurants à des projets d’infrastructure et de services essentiels : liaison maritime Dakar-Ziguinchor, soutien au Train Express Régional (TER), financement de programmes liés au tourisme, au transport aérien ou encore à la résilience post-Covid.

Sous son leadership, la banque innove également sur les produits : crédit-bail, affacturage, agency banking et solutions de finance inclusive destinées à toucher davantage de TPE/PME, d’acteurs du tourisme, de manufacturiers et de jeunes porteurs de projets. Une dimension RSE assumée s’ajoute à ce dispositif, avec des interventions ciblées dans la santé, l’éducation et l’emploi des jeunes, en cohérence avec la vocation de banque de développement.

Un leadership salué par ses pairs et ses équipes

La trajectoire de Thierno Seydou Nourou Sy à la tête de la BNDE suscite un rare consensus. Le conseil d’administration, l’actionnaire public et les partenaires internationaux saluent une « dynamique constructive et inclusive » au service des entreprises sénégalaises, qui a permis à la banque de gagner rapidement en crédibilité auprès d’institutions comme la BOAD ou Afreximbank.

En interne, ses collaborateurs le décrivent comme un « architecte » qui a bâti patiemment l’édifice BNDE, « brique par brique », combinant exigence technique, sens de la décision et capacité à écouter, à se remettre en question et à faire émerger les meilleures idées, y compris lorsqu’elles ne viennent pas de lui. Lors de son départ à la retraite en mars 2023, après dix ans comme premier directeur général de la BNDE et plus de 35 ans de carrière bancaire, le personnel lui rend hommage comme à un « banquier émérite » et une « référence » du secteur.

Une voix forte dans le débat sur la souveraineté économique

La retraite n’a pas mis fin à son engagement. Devenu une référence morale et intellectuelle du monde bancaire sénégalais, Thierno Seydou Nourou Sy intervient désormais dans le débat public à travers des tribunes et analyses très suivies. Dans une récente contribution, il appelle à mobiliser pleinement le système bancaire national comme levier de sortie de crise et de relance, dans un contexte de forte tension sur la dette, de déficits jumeaux et d’érosion de la confiance des partenaires.

Dans un autre texte, il rappelle que la crise que traverse le Sénégal « n’est pas une singularité », mais s’inscrit dans des cycles déjà expérimentés par d’autres nations, dont l’expérience doit servir de boussole pour renforcer la résilience et éviter les erreurs du passé. Son regard, nourri par des décennies de pratique bancaire et de gestion des risques, plaide pour une lucidité méthodologique sur la dette, une meilleure utilisation des marges locales de financement et une gouvernance renforcée des institutions financières.

Parallèlement, il met son expérience au service du conseil stratégique à travers Nourou Financial Consulting (NFC), structure basée à Dakar qui se positionne sur l’accompagnement des entreprises, institutions et États dans la structuration de financements, la gestion des risques et la réflexion sur la souveraineté financière.

Un héritage vivant pour la finance sénégalaise

De la Bourse de Paris à la BNDE, en passant par CBAO, BST, BIM, Coris Bank et BIA Niger, la trajectoire de Thierno Seydou Nourou Sy est celle d’un bâtisseur de confiance et d’institutions. Elle illustre ce que peut produire, pour un pays comme le Sénégal, la rencontre entre expertise technique, vision stratégique et sens du service public.

Son héritage est double : une banque de développement devenue acteur systémique du financement de l’économie sénégalaise, et une génération de professionnels de la finance formés à l’école de l’exigence, de la rigueur et de l’humilité. À l’heure où le pays cherche de nouveaux chemins de souveraineté économique, la voix de ce banquier émérite (désormais plus libre, parce que dégagée des contraintes de fonction) restera, sans doute, l’une des plus écoutées.

Mérimé Wilson

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