Bassirou Kébé, un expert en gestion de projets aux commandes de la SN HLM

La Société nationale des Habitations à Loyer Modéré (SN HLM) s’est dotée d’un nouveau capitaine en avril 2024. Lors du conseil des ministres du 24 avril 2024, le gouvernement sénégalais a nommé à sa tête Bassirou Kébé, présenté comme un spécialiste en management de projets et remplaçant l’ancien directeur général Mamadou Diagne Sy Mbengue. Peu connu du grand public avant cette nomination, Kébé est issu de la nouvelle génération de managers technocrates que le pouvoir a choisis pour dynamiser les grandes sociétés nationales. Son expertise en conduite de projets complexes lui a valu la confiance de l’exécutif. Elle est appelée à servir un domaine stratégique : le logement social, l’un des défis majeurs du nouveau quinquennat.
Un engagement pour le logement social
Au lendemain de sa prise de fonction, le 16 mai 2024, lors de la cérémonie de passation de service, le nouveau directeur général a fixé le cap. Devant les cadres et les agents de la SN HLM, il a salué le travail de son prédécesseur et s’est dit déterminé à consolider les initiatives existantes tout en apportant des stratégies nouvelles. Il a insisté sur la nécessité de travailler en synergie avec le ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat pour rendre le logement accessible à toutes les catégories sociales. Dans son discours, Bassirou Kébé a affirmé que sa mission serait d’« élargir le champ du possible » afin d’améliorer l’accès au logement pour les ménages sénégalais. Cette vision repose sur des programmes de logement social, mais aussi sur des mécanismes d’autofinancement et des partenariats stratégiques.
Transparence et redressement financier
Dès ses premiers mois à la tête de l’institution, Bassirou Kébé a lancé un audit interne pour dresser un état des lieux financier. Les résultats rendus publics en octobre 2024 ont révélé que la SN HLM portait un passif de 12 milliards de francs CFA et que l’audit avait mis au jour plusieurs irrégularités, notamment un détournement de 700 millions de francs CFA. Au lieu d’étouffer ces révélations, le directeur général a organisé une conférence de presse pour informer l’opinion, illustrant une volonté de transparence rare dans les entreprises publiques. Pour redresser la situation, il a annoncé la digitalisation des procédures et de la gestion immobilière afin de lutter contre la fraude et d’améliorer la traçabilité. Parallèlement, il a rappelé que les directeurs généraux ne bénéficient d’aucune immunité et doivent rendre des comptes devant la justice ; il a affirmé que ni le président Bassirou Diomaye Faye ni le Premier ministre Ousmane Sonko ne protégeraient les responsables de malversations. Ce discours sur la reddition des comptes l’inscrit dans la continuité des promesses de rupture du nouveau pouvoir.
Une stratégie innovante pour 25 000 logements
Au‑delà du redressement financier, Bassirou Kébé porte un plan stratégique ambitieux qui vise à construire 25 000 logements sociaux en cinq ans, conformément aux objectifs du gouvernement. Pour réussir ce programme, il a sollicité l’Autorité de Régulation de la Commande Publique (ARCOP), un partenaire chargé d’assurer la transparence et l’efficacité des marchés publics. Lors d’une visite officielle le 2 avril 2025, le directeur général de l’ARCOP, Dr Moustapha Djitté, a rappelé que son institution fournit non seulement un contrôle mais aussi un appui stratégique pour garantir des procédures compétitives et équitablesarcop.sn. Citant Balzac, il a rappelé qu’« un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès », soulignant qu’un contrat bien négocié et respectueux des règles évite des litiges coûteuxarcop.sn.
Le plan de Kébé repose sur un modèle économique hybride : il prévoit de diversifier les sources de financement via des partenariats public‑privé et de combiner des programmes de logements sociaux avec des logements de standing, dont les bénéfices serviront à subventionner les habitations destinées aux ménages modestesarcop.sn. Face au désengagement de l’État, cette stratégie se donne pour objectif de mobiliser des capitaux privés tout en maintenant l’accessibilité des logements sociaux. Pour optimiser les coûts, le directeur mise sur une gestion plus efficiente du foncier et l’établissement de partenariats avec des investisseurs privés, notamment dans des zones où le coût du terrain est plus faiblearcop.sn.
Il promeut également des mécanismes innovants comme la Vente en l’État Futur d’Achèvement (VEFA) qui permet aux ménages de devenir propriétaires en finançant leur logement au fur et à mesure de la constructionarcop.sn. Enfin, l’accord conclu avec l’ARCOP prévoit un accompagnement personnalisé pour accélérer les procédures et réduire les délais, tout en veillant au strict respect des règles de passation des marchésarcop.sn.
Le parcours de Bassirou Kébé à la tête de la SN HLM se dessine ainsi entre transparence, innovation et volonté de rupture. Confronté à un héritage financier lourd, il mise sur la digitalisation et la reddition des comptes pour restaurer la crédibilité de l’institution. Porté par une ambition de 25 000 logements sociaux, il s’emploie à inventer un modèle de financement hybride qui associe partenaires privés et politiques publiques, tout en respectant les règles de la commande publique. Les prochaines années diront si ce jeune cadre réussira à transformer la SN HLM et à répondre aux aspirations des milliers de Sénégalais en quête d’un logement décent.
Mérimé Wilson