Salamba Diène, fabriquer l’avenir « Made in Senegal »

Sorbonne en poche, convictions chevillées au corps, Salamba Diène a transformé une initiative familiale en une PME industrielle qui hisse les céréales et super-aliments du terroir sénégalais jusque sur les rayons d’Europe, d’Amérique du Nord et du Japon. Lauréate du Young Entrepreneur Award 2023 de l’AWIEF, elle a inauguré en 2024 une usine à Bambilor et passe à l’échelle sans renier son boussole : l’impact local, notamment pour les femmes rurales.
Le déclic d’une génération
Formée à la Sorbonne (développement économique et gestion de projets internationaux), Salamba Diène refuse la fausse alternative entre carrière à l’étranger et retour « symbolique ». Elle opte pour le « retour productif », rejoint le laboratoire familial Bioessence, puis reprend la barre en 2017 pour élargir l’activité aux agro-alimentaires et rebaptiser la maison Biosene. Le cap est clair : créer de la valeur au Sénégal, par des produits standardisés, traçables et exportables.
Du laboratoire à l’usine : l’industrialisation
Le 24 mai 2024, Biosene inaugure à Bambilor une usine de transformation de céréales : capacité nominale 4 tonnes/jour, 117 emplois directs et 4 000 indirects annoncés. Cet investissement marque un changement d’échelle et l’entrée pleinement assumée de la PME dans l’agro-industrie, avec à la clé la réduction des délais et une meilleure fiabilité logistique pour l’export.
Un modèle enraciné dans les filières locales
Biosene achète mil, fonio, niébé, baobab, hibiscus, moringa… principalement auprès de petits producteurs et groupements de femmes, et les transforme en denrées (arraw, thiéré, thiakry, sankhal, farines), super-aliments (poudres) et cosmétiques (beurre de karité, huiles). Cette intégration locale nourrit un storytelling authentique santé, beauté, bien-être et un positionnement prix accessible sur le marché domestique.
L’effet levier du co-investissement
En 2021, Biosene est retenue par le West Africa Trade & Investment Hub (USAID) dans un montage de co-investissement destiné à consolider les chaînes d’approvisionnement post-Covid. Objectif : sécuriser 340 tonnes de matières premières et semi-finis auprès de 6 600 producteurs et transformatrices. Au-delà des volumes, cette démarche structure des relations commerciales durables qui professionnalisent les filières.
Retail moderne, nouvelle visibilité
La stratégie d’accès au marché combine e-commerce et partenariats avec des réseaux de distribution. Des accords avec EDK, Star Oil, Elton et Pridoux ont ajouté plus de 40 nouveaux points de vente à Dakar et sa périphérie : un saut de visibilité pour des produits longtemps cantonnés au commerce informel.
La reconnaissance, puis la vitesse de croisière
En novembre 2023, l’AWIEF consacre Salamba Diène « Young Entrepreneur of the Year ». Le jury salue à la fois l’industrialisation, l’empreinte sociale et la capacité à connecter des ingrédients 100 % sénégalais aux standards internationaux. L’entreprise revendique des exportations vers l’Europe, l’Amérique du Nord et le Japon et, en 2025, 59 employés un effectif encore modeste mais déjà structurant sur la zone.
Leadership d’impact
Le parcours de Salamba Diène est indissociable de l’autonomisation économique des femmes. Le partenariat avec l’USAID a servi de catalyseur, mais la vision est antérieure : organiser des chaînes d’approvisionnement inclusives, qui garantissent volumes, qualité et revenus. « Améliorer notre productivité, notre compétitivité et notre impact socio-économique », résume-t-elle, comme une ligne de conduite plutôt qu’un slogan.
Les défis de la maturité
Passer de l’atelier à l’usine implique de tenir la promesse qualité (normes, certifications), de fiabiliser la logistique (ruptures saisonnières, conservation des poudres et farines) et d’animer la marque dans des circuits modernes où la concurrence est frontale (prix, packaging, disponibilité). La montée en capacité à Bambilor et l’adossement à des réseaux retail attestent d’une gouvernance plus processée, sans rompre avec l’ADN artisanal qui a fait le succès de Biosene.
Pourquoi son histoire compte
Parce qu’elle réconcilie patrimoine culinaire et industrie, montre que la valeur peut être créée au village comme à l’usine, et que des marques sénégalaises peuvent se battre et gagner sur des marchés exigeants. Dans un pays où l’agro-transformation est appelée à jouer un rôle majeur pour la souveraineté alimentaire et l’emploi, Salamba Diène propose un récit scalable et inspirant : partir des graines (mil, fonio), investir dans la qualité, bâtir des ponts vers la grande distribution et l’export tout en banalisant l’excellence « Made in Senegal ».
Mérimé Wilson