Sénégal 2026 : dix secteurs à surveiller dans une économie en transition

En 2026, le Sénégal entre dans une séquence décisive de son histoire économique. Le pays est désormais producteur de pétrole et de gaz avec le champ offshore de Sangomar, qui a livré son premier baril en juin 2024, et le projet gazier Grand Tortue Ahmeyim (GTA), entré en production début 2025. À cela s’ajoute la mise en œuvre du nouvel Agenda national de transformation « Sénégal 2050 » et de la Stratégie nationale de développement 2025-2029, qui misent sur une croissance inclusive, portée par l’énergie, l’agriculture, les infrastructures et le capital humain.
Mais cette montée en puissance se joue sur fond de tension budgétaire et de crise de la dette, après la révélation de passifs cachés qui ont poussé la dette publique au-delà de 100 % du PIB et conduit à la suspension d’un programme avec le FMI. L’enjeu, en 2026, n’est donc pas seulement de croître, mais de mieux orienter les investissements pour créer de la valeur, des emplois et des recettes fiscales durables.
Voici dix secteurs à suivre de très près.
1. Pétrole, gaz et services parapétroliers
Le secteur hydrocarbures sera le moteur visible de l’économie sénégalaise en 2026. Le champ de Sangomar, premier projet pétrolier offshore du pays, doit progressivement monter en régime pour atteindre environ 100 000 barils par jour, après une production déjà supérieure aux objectifs en 2024.
En parallèle, le projet GTA, développé avec la Mauritanie, BP, Kosmos et Petrosen, a commencé à produire du gaz naturel liquéfié début 2025, avec une première phase estimée autour de 2,3–2,5 millions de tonnes par an et une montée progressive à 10 millions de tonnes à l’horizon 2030.
Ce qu’il faudra surveiller en 2026 :
- La montée en puissance opérationnelle de Sangomar et GTA, et l’entrée dans un rythme d’exportation régulier.
- La mise en œuvre effective des politiques de contenu local : part de la sous-traitance confiée aux entreprises sénégalaises, emplois qualifiés, transfert de compétences.
- L’émergence d’un tissu de PME dans les services parapétroliers : logistique maritime, maintenance industrielle, sécurité, ingénierie, assurance, catering, etc.
Dans un contexte de vulnérabilité budgétaire, la discipline dans la gestion des revenus, l’affectation à l’investissement productif et la transparence de la nouvelle gouvernance minière seront déterminantes pour éviter la « malédiction des ressources ».
2. Énergies électriques, renouvelables et hydrogène
Le gaz naturel produit offshore ouvre une fenêtre stratégique pour sécuriser l’approvisionnement électrique et accélérer la transition énergétique. Le Sénégal a déjà engagé des programmes solaires et éoliens, tandis qu’une étude de préfaisabilité sur la production d’hydrogène – notamment vert – est en cours avec l’appui de partenaires internationaux.
À l’échelle régionale MSGBC, l’hydrogène vert est envisagé comme un futur pilier de la transition énergétique, même si de nombreux projets en sont encore au stade exploratoire.
Points chauds pour 2026 :
- Les arbitrages entre gaz destiné à l’exportation et gaz consacré à la production d’électricité domestique (gaz-to-power) pour réduire le coût du kWh et les subventions.
- L’intégration plus poussée des énergies renouvelables (solaire, éolien, éventuellement énergies marines) dans le mix.
- Les premiers projets pilotes d’hydrogène bas carbone, susceptibles d’attirer d’importants capitaux internationaux.
Pour les investisseurs, l’axe énergie restera l’un des plus structurants : centrales électriques, mini-réseaux, solutions de stockage, efficacité énergétique, réseaux intelligents.
3. Agriculture et agro-industrie : de l’autosuffisance à la valeur ajoutée
L’agriculture demeure un pilier de l’économie sénégalaise et un axe clé de la Stratégie nationale de développement. Arachide, riz, horticulture, mangue, sésame, produits laitiers… les marges de progression sont considérables, tant sur la productivité que sur la transformation locale.
La filière arachide illustre cette volonté de monter en gamme : installation d’unités industrielles de trituration et de valorisation, notamment dans la Zone économique spéciale (ZES) de Touba, pour moderniser la Sonacos et rendre l’industrie arachidière plus compétitive.
En 2026, les enjeux seront :
- L’extension des systèmes d’irrigation, l’accès aux intrants de qualité et la diffusion de pratiques agricoles résilientes au climat.
- La montée en puissance de l’agro-industrie : huiles, farines, produits transformés, surgelés, jus, conditionnement, logistique du froid.
- L’essor des innovations AgriTech : financement, météo, conseil agricole, plateformes de mise en marché.
L’objectif n’est plus seulement de nourrir le pays, mais de faire de l’agriculture et de l’agro-industrie l’un des principaux moteurs de valeur ajoutée, d’emplois et d’exportations.
4. Pêche, aquaculture et économie bleue
Avec plus de 700 km de côtes, la pêche est un secteur vital : elle représente plus de 3 % du PIB, plus de 10 % des exportations et près de 600 000 emplois directs et indirects.
Le pays s’oriente vers une stratégie intégrée d’économie bleue, incluant surveillance maritime, infrastructures, transformation et aquaculture. Ce secteur reste cependant sous pression : surpêche, concurrence des flottes étrangères, pêche illégale, développement des usines de farine de poisson, tensions avec les communautés côtières.
Les sujets à suivre en 2026 :
- La mise en œuvre de la politique d’économie bleue et ses retombées sur la pêche artisanale et industrielle.
- La régulation des licences, la transparence des accords de pêche et le renforcement de la surveillance maritime.
- Le développement de l’aquaculture durable (poissons, coquillages, algues) et de la transformation locale, où les femmes restent centrales dans la chaîne de valeur.
Bien géré, ce secteur peut devenir un pilier de croissance inclusive.
5. Infrastructures, transport et hubs logistiques
La vision « Sénégal 2050 » mise sur des pôles de développement reliés par des infrastructures modernes. Après le TER et les autoroutes, l’attention se tourne vers les ports, les plateformes logistiques et les zones économiques.
Le port en eaux profondes de Ndayane, développé avec un grand opérateur international, est emblématique : plus d’un milliard de dollars d’investissement, capacité d’accueil de grands navires, zone économique dédiée et ambition de faire du Sénégal un hub logistique majeur en Afrique de l’Ouest.
En 2026, il faudra regarder :
- L’avancement de Ndayane et sa complémentarité avec le port autonome de Dakar.
- Le développement de plateformes logistiques intérieures pour connecter les territoires.
- L’intégration des corridors routiers et ferroviaires à la ZLECAf.
Les opportunités concernent le BTP, la logistique, la technologie portuaire et les services aux opérateurs.
6. Tourisme, hospitalité et industries culturelles
Après la pandémie, le tourisme sénégalais a fortement rebondi. Le pays bénéficie d’atouts majeurs : Dakar, Gorée, Sine-Saloum, Casamance, Saint-Louis, le tourisme religieux, les plages de Saly et Cap Skirring, sans oublier une scène culturelle et musicale en pleine effervescence.
En 2026, les tendances à surveiller :
- Le repositionnement vers un tourisme à plus forte valeur ajoutée : culture, nature, sport, événements, MICE.
- L’essor de l’écotourisme et des expériences liées à la mer.
- La professionnalisation de l’hospitalité, la montée en gamme des établissements et la diversification des services.
Les industries culturelles – musique, cinéma, mode, design, jeux vidéo – s’affirment comme un prolongement naturel de ce dynamisme.
7. Fintech, mobile money et économie numérique
Le Sénégal est un leader de l’innovation numérique en Afrique francophone. Le mobile money, porté notamment par de nouveaux acteurs disruptifs, s’est massifié grâce à des coûts réduits et une forte proximité client.
Le Start-up Act, désormais opérationnel, renforce l’accompagnement des jeunes pousses dans la réglementation, le financement et l’accès aux marchés.
Les enjeux pour 2026 :
- La consolidation du secteur fintech : paiements, crédit digital, épargne, assurance inclusive, scoring alternatif.
- L’intégration du numérique dans les secteurs traditionnels : agriculture, santé, éducation, commerce, transport.
- Les infrastructures clés : data centers, connectivité haut débit, cybersécurité, régulation des données et développement de l’IA.
Un secteur jeune, rapide, réactif, qui continuera de façonner l’économie du futur.
8. Industrie manufacturière et zones économiques spéciales
L’industrialisation est une priorité nationale, avec un focus sur l’énergie, les transports et l’agro-industrie. Les zones économiques spéciales – Diamniadio, Sandiara, Touba, bientôt Ndayane – structurent cette ambition.
La nouvelle unité de transformation d’arachide prévue à Touba symbolise la volonté de transformer localement les ressources du pays.
À suivre en 2026 :
- Le rythme de peuplement des ZES en entreprises industrielles et logistiques.
- L’émergence de chaînes de valeur dans l’agro-alimentaire, les matériaux de construction, le textile, l’électrique, le packaging.
- La qualité des infrastructures et la simplification des procédures pour les investisseurs.
Une industrialisation réussie diversifiera l’économie et créera de l’emploi.
9. Construction, immobilier et urbanisme durable
Portée par une urbanisation rapide, la demande explose en logements, bureaux, commerces et infrastructures sociales. Dakar, Diamniadio et les villes secondaires vivent une transformation profonde.
Les dynamiques clés en 2026 :
- Le développement de villes nouvelles et de quartiers intégrés pour désengorger Dakar.
- L’essor du bâtiment écologique : matériaux locaux, efficacité énergétique, solaire, architectures bioclimatiques.
- L’émergence de modèles de financement innovants pour le logement intermédiaire et social.
Un secteur stratégique, créateur d’emplois et de valeur, qui doit intégrer les enjeux climatiques et environnementaux.
10. Santé, pharmaceutique et services à la personne
La pandémie a montré la nécessité de renforcer la résilience du système sanitaire. Le Sénégal s’oriente vers la production pharmaceutique locale, la digitalisation et la couverture santé inclusive.
En 2026, plusieurs tendances se dégagent :
- Le développement d’unités de fabrication de médicaments génériques et consommables.
- L’essor de la e-santé : téléconsultations, dossiers médicaux numériques, plateformes de suivi.
- L’élargissement des assurances santé adaptées aux ménages et au secteur informel.
Au-delà de la santé, la formation, l’éducation et les services sociaux jouent un rôle essentiel dans la valorisation du capital humain.
En 2026, le Sénégal combinera trois dynamiques majeures :
- l’entrée dans le club des pays producteurs de pétrole et de gaz,
- la mise en œuvre du nouvel Agenda « Sénégal 2050 »,
- et l’obligation de restaurer la confiance financière après la crise de la dette.
Les dix secteurs identifiés ne sont pas cloisonnés : hydrocarbures, énergie, agro-industrie, économie bleue, infrastructures, numérique, industrie, immobilier et services sont interconnectés.
Pour les décideurs publics et les investisseurs privés, la priorité sera d’orienter les ressources vers les projets qui créent le plus de valeur locale, renforcent la résilience socio-économique et consolident la place du Sénégal dans l’espace africain. C’est à cette condition que la nouvelle ère pétro-gazière deviendra une véritable opportunité de transformation durable.
Mérimé Wilson



